Un sujet signé Terra eco de 2015 » Observez la timidité des cimes, ce mystérieux comportement des arbres – Terra eco » qui garde tout son enchantement. Preneur d’archives et compléments d’infos via les commentaires.
« Crown Shyness »
Francis Hallé : « Ce phénomène intéresse une centaine d’espèces dans le monde. Toutes ont pour point commun de pousser en hauteur. En France, on peut observer une timidité chez les pins parasol du cap d’Antibes ou les chênes verts du midi. Dans les tropiques, c’est un peu plus fréquent. La timidité la plus impressionnante, la plus tranchée, avec des formes extrêmement nettes, est celle du camphrier.
Ce sont les Australiens qui ont découvert ce phénomène dans les années 1960 et lui ont donné le nom de « crown shyness », littéralement « timidité de la couronne ». C’est un nom qui ne me plaît pas tant que ça. La timidité, c’est un sentiment humain. L’arbre, nous ne savons pas encore ce qui le pousse à laisser une distance entre lui et un autre individu de son espèce.
L’hypothèse des Australiens était celle d’une abrasion entre les branches causée par les frottements les jours de vent. Mais ce ne peut pas être l’explication. Sur les parties aériennes, on ne voit rien qui soit abîmé, il semble que simplement les arbres arrêtent de pousser.
Ce qui est certain, c’est que les arbres savent s’ils ont un voisin. Lorsqu’ils n’en ont pas, ils ont tendance à s’agrandir indéfiniment. Mais pourquoi s’arrêter 80 centimètres avant d’atteindre ce voisin ? Il y a sans doute des échanges gazeux qui entrent en jeu. Pour le comprendre, il nous faut placer des capteurs au bout des branches.
Les arbres ont certainement un avantage à ne pas se toucher. Peut-être limitent-ils ainsi la propagation des parasites, mais pour l’instant leurs raisons nous échappent.
Il existe aussi une timidité souterraine : les racines ne se touchent pas. Il y a des arbres très timides d’en haut mais pas d’en bas et vice versa. Pour les racines comme pour les cimes, nous n’avons pas d’explication. C’est l’une des innombrables questions que recèlent les forêts. D’ici à ce que l’on perce à jour ce mystère, ça ne devrait plus être très long. »
Hypothèses explicatives sur Wikipédia : Timidité (botanique)
L’hypothèse d’échanges gazeux de phytohormones entre les feuilles des branches presque voisines a été avancée pour l’expliquer, mais n’a pas encore été suffisamment testée pour conclure. Chez certaines espèces, l’abrasion des bourgeons, feuilles et/ou rameaux à l’occasion des balancements de branches par le vent pourraient être en cause, par exemple dans la mangrove de la forêt noire du Costa Rica pour Avicennia germinans où la largeur de la fente de timidité (lacunes entre les couronnes) était positivement corrélée avec la distance entre branches adjacentes se balançant au vent (n = 22, p <0,01) ; chez le pin Pinus contorta var. latifolia, les fentes de timidité sont associées à une inhibition du développement foliaire.
On ne rencontre des fentes de timidité que chez certaines essences (souvent des diptérocarpacées tropicales et en Europe chez les chênes verts et les pins parasols), mais il est rare que deux houppiers s’interpénètrent complètement.
Ce comportement d’évitement pourrait être interprété comme une perte d’espace potentiellement utilisable par l’arbre, mais aussi comme un moyen de laisser la lumière mieux pénétrer la forêt, tout en apportant peut-être un avantage sélectif et évolutif face aux maladies contagieuses des arbres (phytopathologies) ou en cas de présence de parasites non volants ; les arbres « timides » étant alors moins susceptibles d’être contaminés malgré une répartition assez dense dans l’espace.

Média
Timidité des arbres : comment communiquent les plantes ? (France Culture)
