Étêtage des conifères, la fausse bonne idée…

L’étêtage consiste à supprimer la cime d’un arbre pour le redescendre en hauteur. Si pour la plupart des feuillus (angiosperme) cette opération est relativement simple, en revanche pour les résineux (gymnosperme) le résultat est plus dangereux. Pourquoi ?

Pourquoi vouloir étêter un arbre ?

Voici une belle entrée en matière que j’ai glané sur le groupe Arboriste grimpeur : métier/passion suite à un post de L’Arbre et l’Homme :

Témoignages de professionnels

« Appelé récemment suite à la chute d’un Épicéa après le coup de vent du samedi 3 octobre, le constat est encore une fois sans appel : le socle racinaire était dégradé par un champignon, qui a pu coloniser les racines après que l’arbre ait été étêté il y a plus de 15 ans.Après l’étêtage, les branches latérales proches de la coupe se sont redressées pour former autant de têtes, augmentant le poids et la prise au vent en cime. La perturbation liée à la coupe de la cime entraîne la mort de certaines racines, par lesquelles un champignon lignivore peut attaquer le bois. Résultat, le bois pourrit, devient cassant, et l’arbre tombe avec un vent modéré (86km/h selon Météo-France). L’étêtage nuit à la santé et à la solidité des arbres. » (source L’Arbre et l’Homme)

Source

Les commentaires pertinents

« La plupart des gens qui demandent un étêtage tiennent à leur arbre. Sinon, ils choisissent l’abattage. Ils ne savent pas que l’étêter, c’est l’endommager. Ils demandent ce type de taille juste parce que c’est la seule solution qu’ils envisagent. C’est là que le rôle du spécialiste intervient, d’une part en expliquant, voire en rassurant, d’autre part en proposant autre chose. Une légère éclaircie si c’est l’ombre le problème, un rehaussage si l’arbre prend trop de place… Ou, des fois, savoir juste dire qu’il n’y a rien à faire sur l’arbre ! C’est ça, aussi, l’honnêteté du spécialiste ! On perd peut être une taille, mais on gagne en estime de soi et en réputation ! » (source François Boutot)

« Chaque année, un arbre dépenses une partie de son stock de carbone (et autres composants) au printemps pour sa croissance mais aussi pour contenir les champignons présents en lui et autour de lui par les barrières de la compartimentation. Il reconstitue ce stock par la photosynthèse au cours de l’été. En cas d’étêtage ou toutes autres mutilation l’arbre focalise ses réserves de carbone pour régénérer les supports de masse foliaire, en façonnant des rejets démesurés ou en faisant croître des axes de résineux plus que d’habitude. Ce faisant il n’a plus de ressources disponibles pour se prémunir des attaques de champignons d’où les dégâts…Osez la non taille. » (source Pierre-Henri Ponçon)

« Je suis bien évidemment tout à fait d’accord avec ton constat pour l’étêtage et les répercussions sur le long terme, mais ne faut-il pas aussi orienter et chercher les causes sur la nature du sol, le gazon ? Arrosage ? Est ce que l’arbre n’était pas là avant que le gazon soit réalisé ? C’est un autre point sur lequel il faut aussi insister avec notre clientèle, le sol est la partie la plus importante et la plus difficile à évaluer. On voit beaucoup trop d’arbres entrer dans une spirale de désordre physiologique, voir mécanique suite à des interventions ou changements du sol ! » (source Lionel Oberti)

Témoignages de clients

Non exhaustive, voici une petite liste de raison que j’ai entendu dans la bouche de clients pour motiver l’étêtage d’un arbre :

  • Pour qu’il arrête de grandir
  • Pour qu’il soit moins dangereux
  • Pour que l’arbre de dépasse pas le toit de ma maison
  • Pour qu’ils ne touche pas les fils électriques
  • Pour que les feuilles/aiguilles de l’arbre ne tombe plus dans mes chenaux et/ou ma piscine
  • Pour que l’arbre arrête de faire de l’ombre sur ma piscine
  • Pour me dégager la vue depuis la fenêtre de ma chambre
  • Pour lui redonner de la vigueur

Les avantages

  • Redescendre l’arbre à une hauteur prédéterminée sans le supprimer (pour l’instant…)

Les risques

  • Création d’entrées pour les pathogènes, les champignons lignivores et les insectes nuisibles
  • Création d’un dysfonctionnement de l’architecture mécanique de l’arbre le rendant plus fragile aux vents (casse et déracinement) et donc plus dangereux pour son environnement.

Comment un arbre pousse ?

La question botanique est : « Comment un arbre se développe ? », mais la question du client est : « Comment faire pour que mon arbre arrête de se développer ? »… une seule réponse sérieuse s’offre à vous : « le tuer Monsieur ! ».

Pour répondre plus sérieusement à cette épineuse question, il faut se plonger dans l’architecture végétale qui est une discipline botanique fondée sur l’analyse morphologique qui cherche à rendre compte de l’organisation spatio-temporelle de l’appareil végétatif des plantes.

La dominance apicale est le phénomène par lequel l’axe principal d’une plante croit plus vite que ses ramifications.

L’auxine est une phytohormone de croissance végétale indispensable au développement des plantes. Elle joue un rôle majeur dans le contrôle de leur croissance. Elle intervient dès les premiers stades de l’embryogenèse puis contrôle aussi bien l’organisation du méristème apical (phyllotaxie) et la ramification des parties aériennes de la plante (dominance apicale), que la formation de la racine principale, l’initiation des racines latérales et des racines adventives (rhizogénèse).

A ce jour, 2 stratégies de développement sont reconnues par les botanistes.

Stratégie de réitération totale de l’unité architecturale

Croissance sympodiale

La ramification sympodiale, appelée aussi ramification sympodique, se caractérise par la dégénérescence apicale d’un bourgeon obligeant la tige à croître en zigzag par le développement des bourgeons latéraux.

Spécifique aux Feuillus (angiospermes),

Stratégie du gigantisme

Croissance monopodiale

Monopodial dérive du grec « mono » (un) et « podial » (pied), en référence au fait que les plantes monopodiales ont un seul axe continu, tronc ou tige. Les plantes vasculaires à développement monopodial ont une croissance à partir d’un seul point. Les feuilles s’ajoutent à l’apex de l’année et la tige s’allonge au fur et à mesure par le bourgeon apical ; on parle de ramification monopodiale.

Spécifique aux Résineux (Gymnosperme),

Les contre vérités

haies de conifères

Certes, certains diront que chaque fois que nous taillons une haie de résineux (thuya, cyprès, if…) nous étêtons des arbres, mais le gabarit est maintenu par une taille régulière (tous les ans de préférence)

Taille tardive
Taille régulière

Conclusion

Si techniquement l’étêtage d’un conifère est donc tout a fait possible, il faut comprendre qu’il n’est pas conçu physiologiquement pour subir un tel traumatisme. Répondre à une urgence ne signifie pas la traiter dans la durée.

Lorsque vous étêtez un conifère, vous transformer chacune de ses branches en plusieurs arbres. N’étant plus régulé par le bourgeon apical contenant l’auxine, chacune d’entre elle va croitre comme bon lui semble de façon anarchique.

Apparition de chandelles qui sont en fait des arbres clones de l’arbre hôte. On appel ce phénomène des arbres colonnaires.

Là ou vous aviez un problème, maintenant vous en avez 4 !

C’est pourquoi dans de nombreux cas l’arboriste conseillera un abattage du sujet et la replantation d’un arbre mieux adapté aux contraintes du client.

Sources de l’article

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Image d’illustration de l’article : Timber Twins élagage

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