Les champignons lignivores

Les champignons sont des organismes complexes et passionnants. Ici nous allons nous pencher sur ceux que l’on parle le moins et qui pourtant méritent toute notre attention lorsque l’on est arboriste grimpeur ou paysagiste, les champignons lignivores.

Ils sont découpés en 2 catégories :

  • Les saprophytes, ceux qui s’attaquent au bois mort présent dans l’arbre.
  • Les parasites, ceux qui s’attaquent au bois vivant de l’arbre (cellulose et/ou lignine).

Ce sont bien sur ceux de la seconde catégorie qui vont nous intéresser le plus car ils impactent directement l’ontogenèse de notre arbre, son architecture en accroissant ses risques de rupture ou de déracinement.

Comment les identifier ?

Petit rappel, lorsque vous voyez ce que vous appelez un champignon, il s’agit en fait de son fruit (carpophore) car le mycélium qui le compose est déjà présent dans l’arbre. Pour les identifier il est donc préférable d’attendre cette fructification qui intervient généralement à l’automne.

Les champignons lignivores peuvent être observé au niveau des racines, du collet, du tronc et des branches. On parle de champignon remontant ou descendant selon le système de développement du mycélium à tendance à partir vers le haut ou vers le bas. Cette donnée est très importante à observer pour un arboriste grimpeur car selon si le champignon s’attaque aux racines ou à une branche, les risques ne sont pas les même pour l’opérateur.

Comment les différencier ?

Beaucoup de lecture, de recherche, d’observation sur le terrain et de discussion avec des mycologues prêts à vous ouvrir les portes de leurs connaissances à condition toute fois d’avoir fait l’effort de comprendre les bases de l’évolution du règne des champignons.

Pour ma part, j’essaie d’en prélever le plus souvent possible pour les identifier, les observer et les comparer après la journée de travail. C’est la seule façon que j’ai trouvé pour progresser.

Les principaux lignivores connus en France

Certains sont dits « monospécifique« , c’est à dire qu’ils ne s’attaquent qu’à une seule essence d’arbre comme par exemple Inonotus radiatus avec les Aulnes. Mais la plus part sont « plurispécifique » et peuvent s’attaquer à plusieurs essences.

Les plus connus sont :

  • L’oïdium (feuilles)
  • L’anthracnose (feuilles)
  • La brunissure du Peuplier (feuilles)
  • Les rouilles cryptogamiques (feuilles)
  • Le rouge cryptogamique (aiguilles)
  • Les chancres fongiques (parasite)
  • La maladie de la suie (parasite)
  • La chalarose du frêne (parasite)
  • Les phellins (parasite)
  • Les amadouviers (parasite)
  • Les polypores (parasite)
  • L’armilaire (parasite et saprophyte)
  • Les ganodermes (parasite et saprophyte)

Les symbioses arbres et champignons

(Biologie) Association obligatoire de deux ou de plusieurs organismes différents, les symbiotes, avec bénéfice réciproque et qui leur permet de vivre. (source)

Dans la nature, qu’est ce qu’une symbiose ?

  • La symbiose est une association indissoluble et durable entre deux espèces dont chacune tire bénéfice. — (Christian Lévêque, La biodiversité au quotidien, 2008)

Chez l’arbre et le champignon comment s’appelle cette symbiose ?

La mycorhize, il en existe 2 types :

Lorsque cette symbiose devient néfaste pour l’arbre

Modes d’alimentation des champignons lignivores

On parle de champignon lignivore lorsqu’il se nourrit de la cellulose et/ou la lignine d’un arbre. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un insecte ou d’un mammifère on parle de parasite xylophage.

Au milieu des insectes et autres bactéries, beaucoup d’espèces de champignons ont un rôle de décomposeur. Sans eux nos forêts seraient inaccessibles, ils contribuent à l’équilibre de la biomasse.

Les causes

Blessure (casse, déchirure, arrachement…).

Les spores très volatiles des champignons sont éparpillés par le vent et trouve dans une blessure un excellent terrain d’atterrissage pour se poser et se propager. C’est pourquoi chaque taille doit être réalisée avec des outils de coupe nettoyés à l’alcool ménager que ce soit un sécateur, une scie ou une tronçonneuse. De la même manière, on attendra la période d’hiver (dormance) pour réaliser ces coupes sur des « grosses sections » afin que l’arbre est le temps de mettre en place son système de compartimentation avant le printemps.

Stress hydrique

Ce n’est pas le manque d’eau qui fait pousser les champignons, en revanche cela affaiblit fortement les résistance naturelles de l’arbre qui devient alors plus vulnérable.

Sècheresse et canicule

Tout comme le stress hydrique, les canicules à répétition sollicite beaucoup de réserve de la part de l’arbre, ce qui fait qu’à la moindre défaillance, il est plus propice aux attaques.

Les effets

Attaque les feuilles : le moins grave car les feuilles tombent en automne pour en recréer de nouvelles au printemps. (tache noire de l’érable, oïdium,…)

Attaque la lignine : la lignine est la partie qui solidifie le tronc et les branches, lorsqu’elle est endommagée elle devient poreuse et donc plus sujet aux risques de rupture. C’est le cas des ganodermes et des polypores.

Attaque la cellulose : la cellulose est la partie élastique du bois, lorsqu’elle est altérée, le bois devient raide et rigide et se casse donc plus facilement avec les effets du vent. On observe bien ce phénomène avec la maladie de la suie sur les érables.

Attaque les racines : les racines encrent l’arbre au sol, sans elles il tombe même s’il est très vigoureux et semble saint sur sa partie aérienne. (polypores…)

Cumules plusieurs effets : un champignon peut démarrer sa prolifération dans les cellules de l’arbre en haut d’une branche et redescendre au système racinaire et inversement. On parle alors d’effets remontants ou descendants.

Les conséquences

Dans tous les cas, la présence d’un champignon lignivore dans un arbre n’est jamais une bonne nouvelle. On peut même dire qu’à plus ou moins long terme l’arbre est condamné lorsqu’il s’agit d’un parasite. Mais rappelons nous que le temps des arbres n’est pas le temps des hommes… si l’on devait couper tous les arbres qui contiennent des champignons, c’est l’humanité toute entière qui disparaitrait.

La propagation

  • Système racinaire
  • Vent
  • Insectes xylophages
  • Petits mamifères
  • Les élagueurs

Les stratégies de protection de l’arbre

Sans ré-écrire l’article « Comment les arbres se soignent ?« , voici les 3 principales armes que peut déployer un arbre pour se défendre.

  • le CODIT : la compartimentation (abandon de toute ou partie des zones infectées)
  • La chimie (phéromones, tanins…)
  • Les auxiliaires (alliers)

Le diagnostic

Un arbre touché ne signifie pas un arbre condamné… avant de l’abattre vous pouvez faire appel à 4 méthodes de diagnostics qui sont complémentaires les unes aux autres.

  • Évaluation physiologique et phytosanitaire > méthode ARCHI
  • Évaluation des risques de ruptures > méthodes VTA et SIA
  • Évaluation des risques (cibles) > méthode QTRA

En savoir plus sur le diagnostics des arbres.

Ce qui compte c’est d’identifier l’étendue des dégâts sous l’écorce et sa propagation dans les mois et années à venir. Le carottage à l’aide d’une Tarière de Pressler permet de prélever des échantillons pour les comparer avec d’autres prélèvements ultérieurs.

Quelques questions à vous poser pour connaitre l’origine

  • Y a t il eu des travaux de voirie ou BTP ces dernières années autour des arbres ?
  • Un engin a t il arraché une branche ?
  • Un produit a t-il été versé ?
  • etc.

Les usages par l’homme

Alors certes la plupart risquent de tuer vos arbres, mais dans la nature il faut être opportuniste. C’est pourquoi pour certains de ces champignons, l’homme leurs a découvert des effets et des vertus pouvant lui convenir.

Dans cette conférence de Paul Stamets, mycologue américain, nous découvrons que les champignons sont aussi de très bon auxiliaires face à certaines bactéries et certains insectes jusqu’à soigner le cancer de sa mère à qui l’on donnait plus que 3 mois à vivre… (en anglais)

Et demain ?

Avec les effets du réchauffement climatique sur la faune et la flore, les champignons lignivores sont eux aussi amenés à muter et donc évoluer. Plus nombreux ? Plus néfastes ? Plus virulents ? Plus diversifiés ? L’avenir nous le dira…

Ressources

Livres

Articles

Sites et plateformes

Les formations

Image d’illustration de l’article : @RPilze

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