Le titre de cet article aurait pu tout aussi bien s’intituler « Comment donner un prix pour la taille d’un arbre ?« , mais après avoir posé quelques bases sur une feuille blanche, je me suis vite rendu compte que seul le tarif allait focaliser notre attention. Hors, ce qui m’intéresse ici, c’est de nous interroger sur ce qui justifie (ou pas) l’intervention d’un professionnel sur un arbre.

Alors que beaucoup de professionnels ne font pas la différence, je préfère personnellement parler de la « taille » d’un arbre que de son « élagage ». Mon maître à penser étant Christophe Drénoux avec son livre référence : La taille des arbres d’ornement.
Biberonné par le regretté Alain Rey, je commence cette nouvelle veille par quelques définitions qui nous permettrons de comprendre de quoi l’on parle…
Définitions
Taille (arboriculture)
nom féminin.
La taille est une opération pratiquée sur les végétaux ligneux ou non, qui consiste à modifier la forme et la dimension spontanées de ces plantes en raccourcissant (voire en supprimant) certaines branches ainsi que des rameaux.
Elle est destinée à orienter la croissance (taille de mise en forme), à maîtriser la fructification (taille de fructification), ou à limiter la couverture foliaire (taille en vert) pour favoriser la maturation des fruits, par exemple.
Élagage
nom masculin.
L’élagage est une opération qui consiste en la coupe de certaines branches mortes ou vivantes (ébranchage) d’un arbre pour en orienter ou limiter le développement. On appelle généralement élagage l’arboriculture ornementale. On distingue l’élagage sylvicole, l’élagage fruitier et l’élagage ornemental.
L’élagage est aussi un processus biologique naturel d’abandon des branches, ou parfois d’une partie du houppier (descente de cime), afin d’optimiser les ressources et dépenses d’énergie de l’arbre, processus appelé élagage naturel. On peut le comprendre comme un processus de sélection des branches d’un arbre sans intervention humaine, en raison d’événements climatiques, par manque de lumière ou d’eau, et/ou par l’action de champignons saprophytes spécialisés.
Tailler
verbe transitif
Couper, travailler (une matière, un objet) avec un instrument tranchant, de manière à lui donner une forme déterminée.
Élaguer
verbe
Dépouiller (un arbre) des branches superflues. ➙ ébrancher, tailler. Supprimer, couper. Élaguer des branches mortes.
Interlocuteurs
Pour réaliser un chantier de taille, vous aurez le plus souvent 2 profils à qui vous adresser :
Le Paysagiste
Le généraliste : profession – job
Un paysagiste est un technicien qui conçoit des projets d’aménagements extérieurs impliqué dans la compréhension, l’analyse et le diagnostic, la conception et l’aménagement d’espaces paysagers à plusieurs échelles (grands territoires, communes, quartiers, parcs, jardins, etc.).

Le terme paysagiste désigne également la personne qui intervient dans la réalisation de la maîtrise d’œuvre paysagère. On parle alors d’un entrepreneur paysagiste, jardinier-paysagiste ou paysagiste-ouvrier, intervenant entre autres sur l’aménagement paysager extérieur aux constructions.
Exemple du vrai savoir faire et du cœur de métier des paysagistes.
Article à lire sur Lezarbres
Grimpeur élagueur… un paysagiste comme les autres !
L’Arboriste grimpeur
Le spécialiste : métier – passion
Un arboriste (du latin arbor, « arbre »), est un praticien , spécialiste de la taille et de l’entretien des arbres d’ornements. Il se différencie de l’arboriculteur et du sylviculteur par son absence de préoccupation de production agricole : fruits, bois, etc.

L’arboriste-élagueur est spécialisé dans les interventions de tailles, haubanage et abattages difficiles des arbres. Pour accéder à l’arbre, il utilise des techniques de cordes (harnais, cordes, connecteurs) et du matériel de taille (scies à main, scies à chaînes, sécateurs) lorsque l’accès ou les types de travaux ne sont pas possibles en plateforme élévatrice mobile de personnel.
Exemple du vrai savoir faire et du cœur de métier des Arboristes Grimpeurs.
Article à lire sur Lezarbres
Je suis élagueur (témoignages)
Maintenant que vous êtes au clair avec le langage, étudions comment tout cela se passe dans les faits…
Comment on tarifie un chantier de taille ?
La demande : envie, besoins, attente
Je voudrais que mon arbre « reste joli » (envie) mais mon voisin m’a demandé de « couper les branches » qui dépassent sur son toit (besoin) car ça lui « bouche ses chenaux » en automne (attente). Qu’est ce que vous pouvez faire ?
- Réponse rapide : « L’abattre ! » … « l’arbre ou le voisin ? »
- Réponse classique : « Supprimer toutes les branches à 5 mètres de son toit et revenir tous les 3 ans »
- Réponses réfléchie : « On va faire un rapide diagnostic de votre arbre et je vous proposerai plusieurs choix possibles »
Mon propos n’est pas ici de dénigrer mais plutôt de vous aider à comprendre ce qui se passe dans la tête du dit professionnel.
- Aime t-il son métier ?
- A t-il les compétences ?
- A t-il la formation ?
- A t-il l’expérience ?
- A t-il une équipe ?
- A t-il la logistique ?
- A t-il le temps ?
- A t-il les moyens financiers ?
- A t-il des contraintes ?
- A t-il de l’empathie ?
- …

Bien sur tout ça vous ne pourrez pas en parler, à moins de l’assoir sur un divan et de commencer sa psychanalyse… mais est ce pour quoi vous l’avez sollicité ? La réponse est évidement non, alors le meilleur conseil que je puisse vous donner c’est de vous fier au feeling et à votre propre jugement. Si vous ne le sentez pas, n’allez pas plus loin car il y a fort à parier que dans tous les cas votre histoire finira par de la déception, pire, un litige.
Le bouche à oreille et la recommandation par un tiers (réputation) reste la meilleure source pour contacter un professionnel.
Le diagnostic : amateur, professionnel, expert
Souvent vu comme une perte de temps et d’argent pour les 2 parties (client et professionnel), le diagnostic est selon moi le plus important pour entamer une relation commerciale. Une fois le devis signé, vous ne pourrez plus faire demi tour… alors qu’un « mauvais diagnostic » restera comme une mauvaise expérience, le massacre d’un arbre deviendra un préjudice irréversible pour votre patrimoine (et le bien commun).

Sans tomber dans le diagnostic scientifique poussé, il s’agit d’observer et de s’interroger sur quelques points cruciaux :
- Quelle est l’essence de l’arbre > est ce un arbuste qui ne dépassera pas les 8-10 mètres à maturité ou est il amené à en faire une 30aine dans 50 ans ? suis je devant une stratégie du gigantisme (résineux) ou de réitération (feuillus) ? est ce une essence qui compartimente facilement ou au contraire qui supporte mal la taille ? est ce une variété adaptée pour le climat et le sol d’implantation ?
- Ou en est-il de son stade développement > juvénile pour les tailles de formation, adulte et mature pour les taille d’entretien ou sénescent pour les tailles d’accompagnement
- Quel est son état sanitaire > on ne taillera pas de la même manière un arbre vigoureux et en pleine santé qu’un arbre stressé et qui présente des signes de maladie. y a t-il des champignons au collet qui le rende alors trop dangereux pour grimper dedans ?
- A t-il déjà été taillé auparavant > est-il possible de revenir sur d’anciennes coupes ou allons nous devoir sélectionner des branches et des rameaux ? faut-il continuer ou démarrer un travail ?
- Quelle est sa situation > est-ce un arbre isolé au milieu d’un jardin ou un arbre faisant parti d’un ensemble (bosquet). Participe t-il au patrimoine de la propriété ou est t-il dans un talus derrière une usine ? a t-il une valeur marchande, patrimoniale ou affective ? (c’est mon grand père qui l’a planté il y a 80 ans… oui mais là il peut tomber à tout moment sur la chambre de votre gosse !)
- Quel est son environnement > y a t il des contraintes au sol et dans les airs comme la présence de clôtures, de fils électrique, d’une route, d’un toit. somme nous à la campagne, dans une zone pavillonnaire ou en plein centre ville ? y a t-il des obligations légales comme la présence d’un cours d’eau à moins de 5 mères, un Plan Local d’Urbanisme, une charte de l’arbre…
- Quels sont les point d’accès > en particulier pour effectuer le broyage des branches et l’évacuation du bois. faudra t-il des outils spécifiques, des bras et des jambes… si oui, quand j’aurai « cramé mon équipe » sera t-elle assez efficace pour réaliser les autres chantiers de la semaine ? (Maladies et TMS dans l’élagage)
- Quelle est/sera la météo > même s’il est quasiment impossible d’anticiper avec exactitude cet aspect, un terrain gras du à de fortes pluies ou la présence de neige peut tout simplement rendre les points précédents comme caduque, quelles sont alors mes possibilités de replis en accord avec mon client
Comme vous pouvez le constater et même si cette liste est loin d’être suffisante pour un arboriste passionné, il y a beaucoup beaucoup beaucoup de questions qu’il faudrait (se) poser avant de balancer un devis au client. Mais bien conscient qu’entre théorie et pratique il n’est pas simple de tout concilier, je dirais que le plus important c’est de s’y intéresser d’une manière ou d’une autre et de ne jamais renoncer.
Si nous ne le faisons pas pour nous ni pour le client, faisons le au moins pour l’arbre !
Articles pour aller plus loin à lire sur Lezarbres
– Le diagnostic
– Pourquoi et comment les arbres meurent ?
– Cours de botanique pour le CS taille et soins des arbres
– OLD : Obligation Légale de Débroussaillement
– Quel avenir pour nos arbres majestueux ?
Propositions : court, moyen, long terme
La 1ère erreur que j’ai constaté dans notre métier c’est de confondre une proposition et un devis.
Qu’elle soit verbale ou écrite, la proposition décrira des aspects botaniques, techniques et logistiques, alors que le devis ne vous apportera que des éléments temporelles et tarifaires.
Conditionné par un logiciel informatique de facturation, il est très rare de voir un devis accompagné d’une proposition écrire expliquant le travail qui sera accompli, pourtant cela éviterait beaucoup d’incompréhensions et d’erreurs tant pour le client qui attend un service que pour le professionnel qui sera amené à réaliser les travaux.
2 critères vont influencer une proposition et donc son tarif :
- l’Urgence = Temps
Combien de temps j’ai pour planifier ce chantier ? Quels sont les risques humains et matériels si j’attends d’avoir le temps pour le réaliser ? Dois je annuler mes chantiers à venir et le passer en priorité ? - l’Importance = Conséquences
Est-ce un client que je connais déjà avec qui je travaille depuis longtemps ? Combien ce chantier va me coûter et combien va t il me rapporter ? Si je ne répond pas à sa demande y a t il un risque de répercutions directes ou indirectes pour mon entreprise ?
Illustration avec quelques exemples :
UI : Très urgent et très important
Notre principal client qui représente à lui seul 40% du chiffre annuel de mon entreprise m’appelle pour me demander de venir en urgence abattre un arbre qui s’est déraciné pendant la nuit et risque à tout moment de tomber sur le toit de son entreprise pouvant engendrer la fermeture de celle ci et donc une perte d’exploitation importante.
Ui : Très urgent mais peu important
Un particulier qui a trouvé mon numéro sur les pages jaunes m’appelle pour me demander de venir rapidement supprimer une charpentière d’un chêne centenaire qui s’est arrachée pendant la nuit en écrasant sa cabane de jardin dans laquelle se trouve tous ses outils.
uI : Peu urgent mais très important
Alors que je souhaite développer mon activité avec des marchés publics, le Conseil Général m’envoie un mail pour solliciter mon entreprise sur un projet d’élagage à venir sur plusieurs routes départementales.
ui : Peu urgent et peu important
Un client occasionnel qui a vu passer mon camion ce matin dans le village m’appelle dans la journée pour me demander de passer le voir pour quelques arbres qu’il souhaite élaguer avant l’hiver.
Cette méthode issue de la gestion de projet n’est pas une fin en soi, mais elle a l’intérêt d’apporter du professionnalisme dans les choix à faire en laissant de côté l’affectif qui en plus d’être aléatoire reste le plus souvent très chronophage.
Choix : accord, compromis, consensus
Un devis signé « Bon pour accord » ne signifie pas que vous avec convaincu votre client. Si « faire un coup » est assez facile dans l’élagage, développer et entretenir une clientèle dans le temps est beaucoup plus difficile.
Il est donc primordial de vous assurer que votre client/prospect a bien compris tous les éléments de votre proposition et que TOUTES ses questions ont trouvé une réponse.
Pour cela il n’y a qu’une « bonne méthode »… la reformulation !
Même si cela peu vous paraitre simpliste (voir débile), bon nombre de conflits naissent de cette absence.
Illustration :
P1 : Demande directe
« Alors si j’ai bien tout compris Mr Chabert, cet arbre vous y tenez beaucoup car c’est votre grand père qui l’a planté en même temps que la construction de la maison et que pour vous il fait partie intégrante du capital de votre propriété. Mais comme au vu du diagnostic sanitaire que nous avons effectué ensemble nous avons constaté qu’il y avait un risque majeur de déracinement et donc de chute sur l’arrière de la toiture, nous sommes tombé d’accord sur le fait qu’il fallait l’abattre avant l’arrivée des chutes de pluie automnales qui rendraient le chantier compliqué pour l’accès des engins et l’évacuation du bois. Nous sommes d’accord ? »
P2 : Demande indirecte
« Souhaitez vous à l’issue de ce chantier que nous convenions d’un nouveau rdv pour envisager le rognage de la souche et la replantation d’un sujet peut être moins imposant mais qui contribuerait à l’esthétique de la maison ? Cela pourrait même se faire avec un peu d’organisation en présence de vos (petits) enfants afin de perpétuer une tradition qui semblait vous tenir à coeur lors de notre 1ère rencontre, est ce que cela vous ferait plaisir ? »
Si développer des techniques de vente reste évidement propre à chacun en fonction de ses capacités et sa sensibilité, l’empathie en revanche doit être une constante si vous souhaitez à terme gagner du temps en évitant les malentendus. Un prospect se gagne, un client s’entretient… à vous de jouer.
Chantier : avant, pendant, après
Un bon ouvrier a besoin de bons outils pour travailler… mais de bons outils ne feront jamais un bon ouvrier.
Si l’élagage coûte si cher, c’est donc qu’il y a de bonnes raisons malheureusement rarement expliquée au client qui d’ailleurs s’en fout dans la majorité des cas…
Ce qu’il me semble important de comprendre dans ce chapitre c’est que plus un chantier sera préparé en amont plus il sera rentable en aval. Si 80% des ressources matérielles ne changent pas (camion, broyeur, matériel de grimpe, tronçonneuse, essence, huile de chaine, râteau, souffleur…) les 20% restant en revanche doivent se préparer « en responsabilité« .
De mes diverses expériences, il n’y a rien de pire pour un ouvrier grimpeur élagueur de découvrir au pied de l’arbre que sa tronçonneuse ne sera pas assez puissante pour tomber le fut, que sa corde ne sera pas assez longue pour envisager une descente rapide devant un nid de frelons asiatiques et qu’il manquera un cylindre de rétention pour ne pas abimer les charpentières de l’arbre sur une demande d’étêtage, et pourtant…
C’est pourquoi au risque de passer pour le relou de service, je conseil toujours aux p’tits nouveaux de poser TOUTES les questions qu’il se pose à son chef d’équipe avant de partir sur chantier. En retour, il doit faire preuve de bienveillance en le faisant au bon moment et de façon claire et explicite s’il veut obtenir un minimum d’attention.

Il y a celui qui vend (commercial), celui qui planifie (conducteur de travaux), celui qui prépare (chef d’équipe), celui qui réalise (l’équipier), celui qui facture et qui encaisse (secrétaire-comptable). Même si dans beaucoup de petites boîtes ces rôles et postures reviennent aux même personnes, il ne faut jamais oublier que nous faisons partie d’une chaine indivisible. La comprendre est un droit la faire tourner un devoir.
Suivi : annuel, quinquennal, décennal
Comme je l’ai abordé un peu plus haut, il est toujours plus coûteux de conquérir un prospect en client que de gérer une clientèle. C’est pourquoi il me semble utile et nécessaire de se doter d’une cartographie des chantiers réalisés accessible en tout temps et en tout lieu. Des services comme GoogleMap ou OpenStreetMap sont fait pour ça.
Si dédié un temps spécifique pour venir voir un arbre taillé il y a 2 ans chez madame Michu reste compliqué, en revanche faire un détour de 3 km après un chantier qui nous a pris moins de temps que prévu est commercialement et économiquement parlant fort pertinent. Votre client pensera que vous ne l’avez pas oublié et que vous lui apportez une attention singulière.
A chaque professionnel de comprendre que le suivi est plus important que la conquête s’il veut durer dans le temps et s’économiser.
Ressources
