Avril, Peut on encore tailler les arbres ?

Comme je l’ai déjà abordé ici, la taille des arbres d’ornement peut en soit se pratiquer toute l’année avec bien sur une préférence pour l’hiver lorsqu’il s’agit de la coupe de « grosses sections » pour donner ou reprendre une forme architecturée et l’été lorsqu’il s’agit de « petites branches » pour relever le port de l’arbre ou réduire les quelques branches qui débordent côté voisin, on l’appelle la taille en vert. Quant à la taille de fructification c’est un sujet en soit que je n’aborderait pas ici.

En revanche, il y a 2 périodes ou il est fortement déconseiller voir interdit de tailler vos arbres. La 1ère au printemps, lorsque la sève brute monte dans l’arbre pour lancer la fameuse phase de débourrage des bourgeons et la seconde à l’automne lorsque l’arbre entame la mise en place de ses réserves.

Alors non, avril n’est pas une bonne période pour tailler vos arbres. Mais le vrai soucis n’est pas la… c’est que maintenant le mois d’avril, ben il arrive en février !!!

Lorsqu’il y a encore quelques années on nous parlait du réchauffement climatique et de ses futures conséquences, on nous expliquait avec plus ou moins d’arguments scientifiques ce qui risquait de se produire. Hélas aujourd’hui ce ne sont plus des menaces mais des réalités visibles à l’œil nu.

Décentes de cimes et perte de la masse foliaire en plein été, ruptures de branches et charpentières sans signes extérieurs apparents, déracinements au 1er coup de vent jusqu’au débourrage des bourgeons en plein hiver. Voila un échantillon de ce que nous vivons depuis plusieurs années dans la profession et qui ne cesse de s’accentuer.

Ce qui est préoccupant dans cette histoire ce n’est pas vraiment les arbres en fait, mais plutôt la filière du paysage dont les élagueurs font parti. Les arbres que l’on connait aujourd’hui ont en gros plus de 350 millions d’années pour les résineux et 140 millions pour les feuillus, on peut donc légitimement penser qu’ils en ont vu d’autres et qu’ils sauront s’adapter. Par contre, les entreprises et leurs équipes de salariés avec leurs gros camions, leurs gros broyeurs, leurs grosses tronçonneuses, leurs grosses rogneuses, leurs km de cordes, de griffes, de longes, d’EPI… tout ça coûte cher. Les salaires, les charges de fonctionnement et les crédits se moquent pas mal du réchauffement climatique ! Il faut que ça rentre coute que coute. Et c’est bien ça le problème, jusqu’où pouvons nous déroger à toutes ces règles déontologiques (botaniques) que l’on a appris lors de nos supers formations ou l’on nous expliquait que nous étions « les docteurs des arbres » ?

Alors oui il y a bien quelques structures qui s’adaptent et vont ranger pour quelques temps la tronçonneuse au profit de la tondeuse, de la débroussailleuse et du taille haie, mais la aussi, est ce une bonne solution ? Au moment de la nidification des oiseaux qui rappelons le ont pratiquement disparu de nos jardins selon une récente étude du CNRS. De l’apparition des 1ères abeilles et autres pollinisateurs déjà bien malmenés entre les pesticides et les frelons asiatiques… alors on fait quoi ? On ne touche plus à rien, on liquide nos entreprises et on file s’inscrire à France Travail jusqu’à l’hiver prochain ?

Heureusement nous ne sommes pas obligé d’en arriver là et des solutions existent. En revanche il est clair que nos entreprises du paysage et de l’élagage doivent sérieusement se remettre en cause et remettre à plat leurs méthodes et outils de travail. S’en foutre de la nature est une chose, mais la on parle aussi d’un outil de travail, sans arbres il n’y a plus d’élagueurs. Sans haies, sans pelouses, sans arbustes et végétaux à tailler il n’y a plus de paysagistes… alors on commence ou et quand ?

Les scientifiques nous proposent chaque jour des solutions via leurs études et publications, qu’en faisons nous ? Des politiques locales à contre courant des pratiques traditionnelles pour le soin de l’arbre et du végétal dans l’espace urbain sont initiées par des « petites » collectivités mais malheureusement rarement documentées de façon universelle, qu’en faisons nous ? Des entreprises « à taille humaine » et locales interviennent de plus en plus auprès de leurs clients comme des partenaires et non plus comme de simples opérateurs qui font « un coup » pour gagner leur vie, qu’en faisons nous ? Des citoyens s’engagent de plus en plus pour ne plus simplement invoquer la protection de l’arbre en ville en s’appuyant sur un bout de papier que l’on nommera charte de l’arbre que personne ne lira et encore moins ne respectera mais en impulsant des dynamiques de replantation et d’achat en commun d’espaces pour laisser la nature vivre face aux prometteurs peut scrupuleux, qu’en faisons nous ?

La liste pourrait encore s’allonger tant de superbes initiatives pour aller à contre courant d’un modèle de pensé obsolète sont nombreuses ici comme ailleurs, malheureusement elles restent le plus souvent isolées et marginalisées dès que l’on souhaite s’en inspirer pour les faire passer à l’échelle. C’est donc moins un problème de solution que de volonté locale que nous devons aujourd’hui impulser dans et par la profession.

A mon sens, la 1ère étape est de provoquer le dialogue et des frictions là où l’expertise clôt la discussion. Soyons des explorateurs de l’expertise ! Un bel exemple avec la proposition de l’association A.R.B.R.E.S. d’inscrire dans la constitution française la déclaration des droits de l’arbre.

La seconde faire que scientifique, propriétaire, élu, gestionnaire, technicien, opérateur, client, citoyen, enseignant, formateur, journaliste… ne fasse plus qu’un et que quelque soit son rôle et ses postures, ils constituent une communauté apprenante (agissante) pour que l’arbre ne soit plus vu comme un simple marché mais un commun de proximité.

Et la 3ème étape, celle qui est à mes yeux de professionnel est la plus importante, « Faire Tiers Lieux » pour expérimenter et mettre en œuvre de nouvelles façons d’agir sur le terrain en les documentant de façon scientifique pour que toute la profession puisse librement s’en inspirer et les mettre en application localement.

Utopique ? Voici un exemple concret d’action allant dans ce sens avec le témoignage du biologiste Philippe Kourilsky, Directeur Général Honoraire de l’Institut Pasteur, qui lors de son Tedx en 2012 nous présentait « Une action collective contre la pauvreté dans le monde » avec la documentation libre et ouverte.

N’oublions pas que la connaissance se donne, l’expérience se partage et le talent se paie. La seule utopie ici c’est de penser que l’on est en bonne santé dans un monde malade…

Alors la taille des arbres en avril ? Ben… non en fait ! On fait une pause jusqu’à juin/juillet pour la reprise de la taille en vert ou on reporte à décembre pour la « grosse taille ». En attendant on s’occupe plutôt de l’abattage et du démontage des arbres morts qui hélas sont de plus en plus fréquents.

« Ok, mais tu n’es pas cohérent l’écolo… si on suis ton raisonnement que tu développes dans cet article, les arbres morts c’est aussi vachement important pour la faune sauvage. Les oiseaux, les insectes, les mamifères… c’est des dendro-microhabitats, et tu veux les supprimer ?« 

Et oui, pas facile d’être cohérent partout et tout le temps, mais ce qui compte c’est de ne rien lâcher et se remettre en question le plus souvent possible. La suite dans un prochain article, en attendant comme un arbre, n’oublions pas de « commencer petit mais prévoir grand !« .

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